Nouvelle année Zia/Alix

Alix entra dans la salle de bain, non sans une certaine gêne. Si quelqu'un l'avait interrompue pendant son bain, elle n'aurait certainement pas aussi décontractée que Zia. Ne faisant que très peu attention à la nudité de son amie, elle prit place sur un tabouret de face. La jolie blonde était fatiguée, le visage creusé et de larges poches violacées sous ses yeux.

- Je voulais juste de te souhaiter la bonne année ... et savoir si tu ne m'en voulais pas trop pour hier.

Zia se doutait que si son amie prenait le soin de s'asseoir, ce n'était pas uniquement pour lui souhaiter la bonne année. Elle avait besoin de dire, ou d'entendre quelque chose de particulier. Sans aucune surprise, elle évoqua la soirée de la veille. Faisant mine de rien, l'adolescente s'allongea sur le ventre, posant ses coudes sur le carrelage tout en calant sa tête entre ses mains. En observant Alix, elle répondit:

-Ouais, la bonne année, tout ça, pas la peine de le dire, c'est assez débile comme tradition. On faisait pas ça, chez moi.

Elle venait peut-être de gaffer, elle qui prétendait vivre seule depuis toujours. Désormais, seule Inès était au courant de ce petit secret, ce qui valait bien mieux pour elle. La rouquine osait à peine imaginer ce qui se passerait si Snori et Melody l’apprenaient…nul doute qu’elle se ferait sacrément remonter les bretelles. Espérant que son amie soit aussi lunatique que d’habitude, elle changea de sujet au plus vite :

- Non, je t'en veux pas. Enfin, pas trop. Mais je suis toujours toute seule, c’est lourd.

La mauvaise humeur de Zia faisait terriblement mal à Alix. Elle n'avait pas l'air de vouloir comprendre ce qu'il se passait dans sa tête et dans son coeur, et elle n'agissait pas vraiment comme une amie.

- Je suis vraiment désolée, mais j'étais avec William. Et puis je suis venue te voir, c'est que je t'aime aussi.

Zia se frotta les yeux, séchant ses larmes avant même que celles-ci n'arrivent, puis posa sa tête entre ses bras croisés, en regardant son reflet dans le miroir, pour ne pas avoir à observer directement Alix.

-Je sais. Je crois que je suis juste jalouse de toi...

- Tu devrais pas. J'ai agi comme une andouillette, comme une idiote, comme un vieux pigeon écrasé par une bicyclette. Tu sais ... cette nuit, j'étais avec William. Dans ma chambre. Enfin, tu vois quoi ...

L'adolescente enfonça sa tête dans ses genoux, ne voulant pas se confronter au regard certainement réprobateur de son amie.

Même si les dires n'étaient pas nécessairement réconfortants, le fait de parler avec son amie faisait réellement plaisir à Zia. Au moins, elle était écoutée, cela faisait le plus grand bien. En se disant cela, toute une flopée de souvenirs de la veille lui revinrent à l'esprit. Jusqu'à lors, elle avait totalement oublié Unis! Se demandant ce que sa nouvelle amie faisait, elle prit tout de même soin de répondre à Alix, sur un ton assez pessimiste.

-Oui, je vois. Mais justement. Tout le monde s'intéresse à toi, alors que moi, j'ai l'impression d'être nulle dans tout ce que je fais.

-Sans vouloir casser l'ambiance, je pense qu'il serait plus juste de fermer porte, non?

Llednar venait de prononcer ces quelques mots. Le rôdeur passait simplement par le couloir, mais avait involontairement perçu des bribes de conversation, car Alix n'avait pas pris soin de refermer la porte derrière elle, ce que le jeune homme fit sans attendre avant de reprendre sa route. Plus écarlate que jamais, Zia se disait qu'à présent, lui aussi était au courant pour sa famille...

Alix ouvrit de grands yeux envers le porte à présent close. Pendant quelques secondes, elle resta inerte. Elle avait en tête l'image de Llednar, fermant la porte et ayant entendu cette conversation pour le moins embrassante. L'adolescente fut prise d'un irrépressible fou rire nerveux. A présent, l'intégralité du palais avait vu Zia nue dans son bain et savait que William et elle-même n'avaient pas joué aux dominos dans la chambre la nuit dernière. C'en était absolument ridicule, pathétique et honteux, mais elle riait de bon coeur.

- Je crois qu'on est la risée de tout Nora maintenant !

Plutôt que de suivre le rire de son amie, Zia fut juste extrêmement perplexe. Si les nouvelles venaient, comme le pensait Alix, à se colporter, alors elle se retrouverait dans de beaux draps. S'asseyant en tailleur au fond de l'eau dans un énième changement de position, elle dit:

-Ouais, si ça peut me permettre d'être intéressante...

Alix se leva de son tabouret et s'approcha de son amie.

- Mais tu es intéressante ! Je t'aime comme tu es, comme tout le monde ! Et puis de toute manière, Llednar dira rien, je pense. Je crois pas qu'il aime se mêler des histoires des autres ...

En voulant arroser son amie, Alix fit un mouvement brusque et s'éclaboussa elle-même. Dure journée qui commençait ...

Malgré sa mauvaise humeur, Zia ne put s’empêcher de sourire lorsqu'Alix s'éclaboussa elle-même par un procédé inexplicable. Elle avait grandi, certes, mais elle était toujours cette amie un peu maladroite qu'elle avait toujours eu. Elle aurait bien aimé aller se réfugier dans ses bras quelques instants, mais elle était trempée. Elle observa le sol quelques instants, puis dit, en se mordillant la lèvre inférieure:

-Tu voudrais pas venir avec moi?

- Venir avec toi où ?

Zia aurait bien aimé pouvoir profiter de cette occasion de se rattraper, mais visiblement, Alix n'en démordait pas. Avec une certaine gène, elle lui dit:

-Bah, dans le bain, hülye.

Le visage d'Alix s'éclaircit soudainement :

- Bonne idée ! En plus, je me suis pas lavée ce matin.

Sans grande pudeur, elle ôta ses vêtements qu'elle laissa traîner sur le sol, puis trempa d'abord un doigt de pied avant de sauter littéralement dans la baignoire.

- BANZAÏÏ !

La grand baignoire, creusée à même le sol, devait faire facilement cinq mètres de côté. Lorsqu'Alix y pénétra en créant une véritable explosion aqueuse, Zia ne se fit pas prier pour aller se réfugier dans ses bras, en posant la tête sur son épaule. La situation devait être absolument ridicule vu de l'extérieur, surtout pour tous ceux qui avaient entendu Zia répéter à moult reprises qu'elle n'appréciait pas les contacts physiques, mais qu'importe.

-J'suis contente que tu sois là Alix... murmura-t-elle.

Alix était heureuse d'être avec son amie. A défaut de ne pas pouvoir être avec William et de se poser douze mille questions insensées par minute, elle savait qu'elle pourrait toujours compter sur elle.

- Moi aussi je suis contente Zia. Je t'aime plus que t... arf arf arf ... J'ai avalé du savon ...

Amusée par les sottises de sa camarade, elle lui accorda une petite frappe sur l'épaule.

-T'es vraiment pas douée!

Les deux amies s'amusèrent ensemble pendant quelques minutes, avant que le calme ne revienne, reposant. D'un ton assez saccadé, Zia demanda:

-Dis...tu penses que je suis jolie? Enfin, au moins un peu?

- Bien sûr que tu es jolie ! Puis, j'ai pas eu l'occasion de te le dire mais tu es bien plus belle avec les cheveux courts !

Comme toute réponse, Zia envoya un sourire tinté de timidité vers son amie, avant de quitter enfin le bain pour aller se sécher. Il devait être à peu près dix heures, à présent.