Le départ

Feldryn, pris de court, garda quelques secondes le silence afin de reprendre sa contenance. Il ne releva pas la remarque sur son odeur, pensant que c'était lié , soit à son long trajet jusqu'à Nora, soit à la possible folie de son interlocuteur.

-Je pourrais vous poser exactement la même question, mais je pense que cela ne nous avancerait pas beaucoup.
Je m'appelle Feldryn. Je vous serrerais bien la main, mais il me semble qu'elle est occupé à me soulever de terre.

Il avait essayé de parler sur un ton détaché et de faire de l'humour, mais il était évident qu'il était troublé, et mort de peur.

- Je suis celui qui peut t'aider autant que t'arracher la tête. Quand je dis que tu sens le Loup, ce n'est pas de l'animal commun dont je parle. Tu portes la même odeur que moi et "Ceux-qui-ressemblent". Je veux savoir qui tu es, d'où tu viens et pourquoi tu es ici. Et vite ...

Feldryn, pris de peur, répondit aussitôt en bafouillant:

-Je viens d'une forêt, au sud-est de Nora. Je suis parti pour des raisons personnelles, si je suis ici, c'est par hasard. Et maintenant, lâchez-moi!

Cet individu lui inspirait de la peur mais aussi une certaine familiarité, sans qu'il puisse expliquer pourquoi. Mais après ce qu'il venait de se passer, Feldryn accordait plus d'importance à la prochaine réaction de l'individu qu'aux raisons de ce dernier sentiment.

- Il se peut que toi et moi soyons de la même famille, petit. Je ne parle pas d'une famille tel que mère, père et enfant, mais d'une famille bien plus étendue, au delà des liens du sang. J'ai bien des choses à te dire, mais je dois d'abord être sûr que tu es ... Comme moi.

Feldryn ne savait plus quoi penser, dans d'autres circonstances il aurait pensé que cet inconnu était fou, mais il avait l'air parfaitement sain d'esprit, quoique étrange, et il y avait cet étrange sensation. Et cet histoire de "même famille" l'intriguait. Il réfléchit et décida qu'il n'avait rien de mieux à faire.

-Hmmm..... Je vous suis, mais d'abord, comment dois-je vous appeler?

Il s'épousseta et attendît impatiemment sa réponse.

- Arawn. Je suis l'un des quatre gardiens d'Erlyn aux six titres. On à pas de temps à perdre.

Il suivit l'individu, impatient de comprendre le fin mot de cette histoire. En sentant les regards posés sur lui, il pressa le pas, cette attention soudaine le mettait mal à l'aise.

Quoique puissent en dire les autres, Walho ne pouvait pas confier un artéfact à cet homme pour le moment. Malgré tous les points positifs dont il était le réceptacle, son attitude actuelle et ses objectifs ne convenaient pas au majordome. Du coin de l'œil, il consulta Nahaow, lequel semblait d'accord avec lui, ne désirant pas accorder plus de puissance au criminel, mais pour une toute autre raison. En effet, l'artéfact prévu pour Erlyn avait un caractère que le jeune elfe jugeait insupportable, et moins il le voyait, mieux il se portait. Ainsi, pour une fois, bien que ce soit par simple coïncidence, porteur et artéfact tombaient d'accord.

-Je pense que nous reparlerons de tout cela plus tard. En attendant, il est bien évident que vous devriez garder tout cela pour vous, s'il vous plait.

Sans plus de sommations, le trentenaire repartit vers l'intérieur du bâtiment, les mains jointes dans le dos, en ôtant son collier, faisant disparaître par la même occasion son camarade. Kellue, en revanche, resta sur place, lançant un regard dur à Erlyn, tentant de le jauger du mieux possible. Elle dut se rendre à l'évidence: il était tout simplement impossible de cerner cet homme, étrange et héroïque à la fois. Ohihir aurait sans doute eut un avis radicalement différent de celui de Nahaow par rapport à lui, mais il n'était pas là pour le moment.

-Je ne pense pas que vous ayez besoin de savoir qui nous sommes, mais nous aurons sans doute besoin de vous pour éliminer définitivement les Ombres. Si vous voulez accorder la paix à votre sœur, c'est la seule solution.

Au moins, elle ne s'engageait à rien en formulant les choses de cette manière. Si leurs ennemis mettaient la main sur d'autres artéfacts, alors ils obtiendraient un pouvoir sans limite. Pour Nailika ou Luuwr, il fallait à tout prix empêcher cela. Walho marchait à vive allure dans les couloirs sombres du palais, éclairé uniquement par des torches disposées à intervalles régulières. Il crut discerner, à un instant, une silhouette se glisser derrière lui, mais conclut après quelques vérifications que son imagination lui jouait des tours. Néanmoins, lorsque, une paire de secondes après, il sentit cette même présence, l'inquiétude commença à le gagner. Presque machinalement, il porta la main au col de sa chemise, près à en sortir son artéfact. Alors, soudain, sans qu'il puisse faire le moindre geste, il sentit une poigne puissante le plaquer contre le mur, et vit l'acier reluisant d'une dague se pointer sous sa gorge. C'était Llednar, l'air calme, mais ostensiblement agressif.

-Qu'est-ce que tu me veux, gamin? demanda le trentenaire

-Qu'est-ce que c'était, cette créature, à côté de vous?

Le majordome déglutit bruyamment, se rendant compte que le rôdeur avait tout vu, sans doute grâce à sa perception nocturne améliorée. Pour le coup, il était dans de beaux draps. Il vit tout de suite que nier ne fonctionnerait pas face à son assaillant. Celui-ci faisait partie de ceux ayant une volonté de fer, ne laissant rien au hasard, et allant jusqu’au bout des choses. S’il le prenait pour un traître, il serait forcé de lui apprendre toute la vérité, sans quoi il verrait tout son sang s’écouler, goute par goute ; hors la vue du sang le répugnait.

- Ne mettez pas ma sœur la dedans. Je trouve que vous faites beaucoup trop d'insinuation à son sujet en une seule phrase, dit-il en se relevant. Je combat pour la liberté, la paix, et ma famille, uniquement. De plus, les Ombres ne sont aujourd'hui que des gamins, pour la plupart. Maintenant leur chef morte, beaucoup ont du déserter, et ceux qui sont restés sont les plus perturbés. Croyez-vous vraiment qu'il suffit de tuer pour régler un problème ? Je suis et reste persuadé que certains peuvent être ramenés à la raison. Je ne tuerais pas d'innocent. Je ne deviendrait pas ce qu'on à toujours dit de moi. Est-il vraiment nécessaire de ...

- Erlyn ...

Feldryn fût surpris de constater qu'en suivant Arawn, ils étaient arrivés au Palais.
Alors c'était lui, le dénommé Erlyn dont Arawn se disait gardien. Il avait honte car il avait pris peur quand Erlyn l'avait regardé, et qu'il avait songé à partir. Mais
il les suivit malgré cela. Il ne put s'empecher de montrer son impatience:

-On va quelque part ou vous pouvez m'expliquer maintenant? Parce que j'aimerais bien comprendre, moi.

Il n'espèrait pas vraiment une réponse, mais voulait surtout attirer l'attention.

- Il sent le Loup.


- D'où viens-tu ? Qui es-tu, et quel âge as-tu ? Pourquoi es-tu ici, à Nora ? Que sais-tu sur le Loup ? Réponds, maintenant.

Feldryn faillit répondre sur un ton défiant qu'il avait déja dit ça à Arawn, mais croisa le regard d'Erlyn et décida aussitôt d'obéir et de garder un ton respectueux en sa présence:

-Je viens d'une forêt au sud-est de Nora, j'ignore son nom. Le mien, c'est Feldryn Cardell et j'ai 17 ans. Je suis ici à Nora car je suis parti après avoir eu un accident, je ne pouvais pas rester sans mettre mes proches en danger. Je ne sais pas ce qu'est le Loup si jamais ce n'est pas de l'animal commun que vous parlez.

Feldryn écoutait avec attention tout ce que lui disait Erlyn. Voyant que la discussion allait surement continuer, il décida de s'asseoir. Il ne comprît pas quand Erlyn lui demanda si il avait déja parlé avec un animal. La vue du Loup le déstabilisa déjà, alors quand il entendit sa voix, il ne put garder son équilibre et s'étala sur la table basse qui s'écroula dans un bruit fracassant. Il se redressa aussitôt, dans l'espoir de garder, si il en avait, un peu de crédibilité auprès d'Erlyn.

-Il... Il a... Il a vraiment parlé???? J'ai entendu une voix! C 'était lui, n'est-ce pas??

Feldryn tremblait, le fait d'entendre un animal parler lui avait fait un choc, puis il se rappela ce qu'il s'était dit quelques secondes plus tôt: obéir à Erlyn.

-Je n'ai jamais parlé avec un ani..animal.

Feldryn se reprit, il voulait faire bonne impression.

Il prit la tunique et alla s'enfermer à double tour dans la salle de bain, vexé. Quelques minutes plus tard, il ressortît propre, vêtu de la tunique et s'assit en face d'Erlyn:

-Vous allez me former? Et si oui, aurais-je une chambre? Et surtout, êtes-vous seuls ici, où vais-je rencontrer d'autres personnes?

Feldryn avait des dizaines de questions, mais jugea que celles là était les plus vitales pour le moment. Il avait gardé ces affaires à la main et espérait vraiment ne pas avoir à s'en séparer.

Feldryn se leva et franchît le seuil. Il ne put dissimuler son inquiétude en voyant le sourire d'Arawn et c'est avec un air soucieux qu'il ouvrît la porte de ce qui allait être sa chambre. Ses pires craintes se révélerent fondés quand il s'apercut qu'il allait partager une chambre avec une fille! Lui! Probablement le garçon le plus timide de Nora! Et en plus elle était belle! Ce n'est qu'alors qu'il preta attention au fait qu'elle était par terre, enroulée dans ses draps. Il s'accroupit à côté d'elle:

-Excusez-moi, que vous arrive-t-il?

- Hmm ... Je vous laisse, glissa Arawn sur un ton douteux.

- Je pense, j'imagine, je meurs ... Je suis un papilloooonnn, dit-elle en tournant la tête vers Feldryn.


- Attends attends ... Tu es ... Le nouveau garde de chambre ? Ou un messager ? Peut-être es-tu ... Non, laisse tomber, t'es qui est qu'est-ce tu fous là ?

En la voyant hors de son état "larvesque", il se rendit compte qu'elle était plus belle qu'il ne l'avait imaginé. Il ne put s'empêcher de rougir et de bafouiller en s'adressant à elle:

-Je suis le nouveau gar..non je veux dire, Je suis ton nouveau compagnon de chambre. Désolé, c'est Erlyn qui m'as mis là. En tout cas, je m'appelle Feldryn. Et toi?

C'était toujours pareil, dès qu'il trouvait qu'une fille était belle, il n'arrivait pas à s'adresser à elle sans bafouiller. Enfin, il avait au moins minimisé les dégats. La seule fille qu'il trouvait belle et à qui il arrivait à s'adresser sans bafouiller, c'était Dalynia... En pensant à elle, il ne put retenir une larme, qu'il essuya aussitot. Il ne voulait pas paraître émotif, mais elle lui manquait...

Feldryn s'allongea près de la fenêtre et s'endormît rapidement.